Le Message de Noël de Monseigneur Aillet
"Défendez votre liberté !"
A l’approche de Noël, c’est un monde épuisé qui s’offre à nos yeux. Epuisé en particulier par la gestion inédite d’une épidémie dont nous voyons se multiplier les conséquences désastreuses, d’ordre psychologique et spirituel, économique et social, directement liées aux mesures de confinement et aux nombreuses restrictions des libertés qui en découlent.
Le climat d’anxiété qui pèse sur beaucoup, entretenu par un discours officiel volontiers alarmiste et culpabilisateur, révèle l’état actuel de l’humanité. Dépouillée de ces fausses sécurités qui lui donnaient une confiance excessive dans les progrès de la science et de la technique, elle apparaît plus que jamais fragilisée, dans une situation comparable à celle décrite par le livre de la Genèse, au soir de la chute, où Adam, entendant la voix du Seigneur Dieu dans le jardin, « Adam, où es-tu ? », répondit : « J’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché » (Gn 3, 9-10).
Et en effet, l’homme tend plus que jamais à se séparer de Dieu, son Créateur et Père : « A ce moment de notre histoire, comme l’écrivait Benoît XVI, le vrai problème est que Dieu disparaît de l’horizon des hommes, et tandis que s’éteint la lumière provenant de lui, l’humanité manque d’orientation et ses effets destructeurs se multiplient en son sein ». Les atteintes, pour raison sanitaire, « manifestement et gravement illégales » à la liberté de culte, dénoncées par le Conseil d’Etat, et le projet de loi pour renforcer les principes républicains, en vue de combattre le séparatisme islamiste, pourraient bien contribuer à restreindre un peu plus la liberté religieuse.
En outre, l’homme est de plus en plus amputé de ses liens les plus naturels avec ses semblables. A l’éclatement de la famille, aux violences faites à l’enfant à naître, aux entorses à la filiation et aux multiples fractures qui déchirent le tissu social, s’ajoutent de nombreuses entraves à la liberté de réunion et de rassemblement, que viennent renforcer les mesures de distanciation physique et les gestes-barrières, conduisant à décourager les réunions familiales et amicales et à condamner un nombre croissant de personnes à l’isolement, voire à la solitude extrême. Quand les corps intermédiaires disparaissent, à commencer par la famille, première communauté naturelle et cellule de base de toute société humaine, l’individu se retrouve seul et démuni face à l’Etat, qui affiche une prétention exorbitante à régir la vie des citoyens dans les moindres détails ... jusqu’à limiter le nombre des convives pour le repas de Noël en famille ! Le principe de subsidiarité semble avoir volé en éclats et le principe de solidarité paraît quelque peu dénaturé : on prétend par exemple sauver des vies et des médecins ont été empêchés de soigner leurs patients !
Le consentement des citoyens, qui se soumettent à des injonctions disproportionnées, ne laisse pas d’inquiéter. Comme s’ils étaient entraînés, par l’individualisme ambiant, érigé en modèle exclusif de vie sociale, à privilégier l’inclination naturelle à la conservation de leur être propre, dont la santé est en effet un facteur essentiel. Mais au détriment des autres inclinations qui révèlent les finalités plus hautes de la personne humaine : l’inclination à l’amitié, au-delà de l’utile, qui appelle des relations fondées dans la gratuité du don ; et l’inclination à la connaissance de la Vérité, en particulier sur Dieu, qui manifeste l’ouverture foncière de l’homme à la Transcendance, garantie de sa liberté.
C’est alors que cette hymne adressée au Christ Rédempteur, au temps de l’Avent, prend tout son sens : « Tu as sauvé un monde épuisé, donnant aux pécheurs le remède ». C’est dans ce contexte de crise que nous accueillerons la naissance de Jésus à Noël. Dieu lui-même vient à notre secours et, comme dit le psalmiste : « Mieux vaut s’appuyer sur le Seigneur que de compter sur les hommes ; mieux vaut s’appuyer sur le Seigneur que de compter sur les puissants » (Ps 117, 8-9).
Dieu s’est fait petit enfant, pour ne pas nous effrayer. Depuis la crèche de Bethléem, il semble nous dire, comme aux heures les plus difficiles de l’histoire de son Peuple : « je suis Dieu, il n’en est pas d’autre » (Is 45, 21); et : « Confiance, c’est moi : n’ayez pas peur ! » (Mc 6, 50). Ne vous laissez pas gagner par la peur qui paralyse et empêche de prendre du recul pour évaluer la gravité de l’épidémie et de la hauteur pour discerner les vraies finalités de l’existence humaine. N’ayez pas peur de venir à Jésus ! Lui seul a les paroles de la vie éternelle. Avec lui, qui est toujours avec nous, nous ne craignons aucun mal : il ouvre devant nous, au cœur de nos plus lourdes épreuves, un chemin de lumière et de vie, d’espérance et d’amour.
Il est notre Sauveur et notre libérateur. Comme nous y exhortait de manière étonnamment prophétique le Pape saint Jean Paul II à Lourdes, le 15 août 2004 : « Soyez des femmes et des hommes libres ! Mais rappelez-vous : la liberté humaine est une liberté marquée par le péché. Elle a besoin elle aussi d’être libérée. Christ en est le libérateur, lui qui “nous a libérés pour que nous soyons vraiment libres” (Ga 5, 1). Défendez votre liberté ! ». Demandez humblement à Jésus de vous libérer intérieurement de ce qui vous rend esclaves de vos penchants mauvais et de vos idoles. Et par tous les moyens légaux, unissez-vous pour défendre courageusement vos libertés fondamentales si menacées aujourd’hui.
Résistez à la dispersion et à l’esprit de division : renforcez vos relations familiales, reconstituez vos liens de proximité et de solidarité pour agir de concert, « ne désertez pas vos assemblées, comme certains en ont pris l’habitude, mais encouragez-vous, d’autant plus que vous voyez s’approcher le jour du Seigneur » (He 10, 25).
Venons à la crèche et supplions l’Enfant-Dieu de nous venir en aide. Prions avec confiance la Vierge Marie de nous porter secours.
Saint et joyeux Noël !
+ Marc Aillet, Evêque de Bayonne, Lescar et Oloron