Jondoni Bixintxo-ren Besta – Gra nd-messe et « envol » du Bichincho
Événement rare !
Ce dimanche 22 janvier, vrai jour de la fête de saint Vincent, diacre, patron de notre paroisse, comme tous les ans depuis plus de trois siècles, une grande assemblée de fidèles, comme d'amis, honore la grand-messe.
Cette année, après le salut aux autorités civiles et religieuses sous le porche avec « Agurra » par « Mutxiko Elkartea », la célébration a débuté de façon émouvante, surtout pour les plus anciens paroissiens.
« Le Bichincho ( ancienne orthographe), ex-voto en mémoire des marins péris en mer, mais aussi de demande de protection pour tous les marins, offert par les marins-pêcheurs hendayais en 1613, suspendu sous la voûte de l'église pendant trois siècles puis descendu par mesure de sécurité, sera oublié puis remplacé, vu son état de vétusté, par une maquette de morutier offerte à la paroisse lors de la « Bixintxo » de 1949.
« La cérémonie de remise se décompose en quatre temps avant sa montée sous la voûte : remise du bateau au maire ; remise par le maire du bateau au curé de la paroisse ; bénédiction et procession dans les rue de Hendaye »
Au début des années 80, il est à nouveau descendu par mesure de sécurité. » (du document réalisé par Agora - Txingudi ) »
Et voici que ce 22 janvier 2017, le Bichincho, habilement restauré par un retraité des métiers du bois, toujours passionné, retrouve l'espace qui est le sien, entre ciel et terre, flottant... ou planant... vers un ailleurs, comme il nous plaît de penser à ceux qui ne sont plus là.... et, à notre futur départ ! - L'abbé Jean-Marc voit un symbole dans cet emplacement, quasiment au-dessus de celui des cercueils lors des célébrations d'obsèques !
Aucun soucis de sécurité, le filin et la poulie ont été installés par un connaisseur, employé de la municipalité.
C'est aux accords de « Ainsi parlait Zarathoustra » (Strauss) par l'orchestre intercommunal, que le Bichincho, d'abord soulevé conjointement par Monsieur le Maire et Monsieur le Curé, tel un oiseau des mers, soigné puis rendu à la liberté, tournoyant sur lui-même, comme hésitant, s'est envolé ; disons ... délicatement tiré par le même connaisseur de l'installation !...
Alors, nous sommes entré en célébration, le nez de temps à autre en l'air, pour nous assurer qu'il était bien là !
Homélie de l'abbé Jean-Marc Lavigne
Troisième dimanche du temps ordinaire A
A peine avons-nous quitté l’ambiance des fêtes de fin d’année, Noël et le premier de l’An, que notre chère cité d’Hendaye nous ramène à la fête avec la Bixintxo.
Bixintxo ou petit Vincent : plus précisément le jeune Saint Vincent, diacre de l’évêque Valère, martyrisé pour sa foi en l’an 304 à Valence… et choisi par les pécheurs d’Hendaye comme leur saint patron ! En janvier, les familles hendayaises étaient réunis, les maris pécheurs n’étaient pas en mer ; toutes les conditions étaient ainsi réunies pour fêter Saint Vincent Bixintxo à l’église paroissiale et dans les rues de la ville.
On comprend alors que ce bateau fut baptisé Bichincho ; il a bien sa place au-dessus de nos têtes pour que demeure dans nos cœurs le souvenir du courage de nos ancêtres qui vivaient de la pêche, dont certains périrent en mer. Symbole aussi de leur foi solide, simple, confiante. De leur prière qui montait vers le Seigneur par l’intercession de leur cher St Vincent !
Les temps ont quelque peu changé : on vit moins de la pêche chez nous ; d’autres activités, offres et produits liés à l’océan sont nés dans ce Sud de la Côte Basque.
La foi ou du moins la pratique religieuse s’est amoindri sous le vent glacial de la sécularisation.
Mais pas de nostalgie ! Pas de pessimisme !
Nous sommes ici pour remplir les voiles de nos vies du grand vent de l’Esprit de Dieu qui nous fait voguer sans crainte sur les mers calmes ou tumultueuses de la société et de l’Eglise d’aujourd’hui.
D’ailleurs on ne choisit pas son époque, ni son lieu de naissance, ni sa famille. On grandit et on vit ballotés par les moments de calme et de tumulte. Il en va ainsi pour tout le monde.
Mais à un moment, surgit l’urgence du choix et de l’action ; de la foi et de l’espérance ; sinon s’installe la langueur de la tiédeur et de l’inaction ; la perte du sens de la vie et la gloire du « moi je ».
Jésus a toujours choisi l’action : nous le voyons dans l’évangile d’aujourd’hui, il quitte la douceur de sa vie familiale à Nazareth pour passer à Capharnaüm, ville multiculturelle, multi-religieuse, jadis endeuillée par la persécution et soumise à de nombreux problèmes.
C’est par cette ville éclatée que Jésus commence sa mission. Il a près de 30 ans. Il s’y installe même ; et c’est là qu’il choisira ses premiers apôtres, des pécheurs… tiens eux aussi. Pas des poules mouillées, des hommes de tempérament parfois bornés.
Voilà le choix engagé, risqué, de Jésus.
Au temps de Saint Vincent, notre diacre, la vie n’était pas facile non plus : plus de 1000 chrétiens avaient péri en Espagne sous la torture dans les années 304. Et le jeune Bixintxo, comme son vieil évêque était de ceux-là.
Mais pour autant, ils n’ont pas fui le pays, ils n’ont pas renié leur foi ; ils sont restés fidèles à leur vocation ; fidèles à Dieu en se donnant jusqu’au bout, sans retour, par amour.
Et nous, comment vivons-nous notre époque troublée ? Est-ce que nous hurlons avec les loups qui gardent leur pré carré en excluant les autres ?
Ou bien faisons-nous ce pari, fou mais exaltant et porteur de vie, le pari de l’accueil de tous, le pari de quitter nos certitudes et nous routines pour nous laisser atteindre par les plus blessés de notre société, par les plus humbles de nos contemporains.
Quelle Eglise construisons-nous ? Celle des planqués qui tournent en rond et toujours avec les mêmes ; ou celle qui sort au cœur de la société comme nous le demande tant le pape François qui nous pousse vers les périphéries géographiques et existentielles ? Pour devenir compagnons d’humanité.
Quelle est notre manière d’exercer le pouvoir dans la cité comme dans la paroisse ? pouvoir égale service ; service égale responsabilité. Et cela dépasse les partis et les chapelles. Cela exige courage et liberté.
Redécouvrons la joie de l’engagement pour les autres, la joie de se dépenser pour autrui, jusqu’à donner notre vie par amour pour eux, parce que nous les considérons comme un frère, une sœur.
C’est le souci de l’homme et de la femme qui nous réunit tous, croyants, chercheurs de Dieu et incroyants.
Que Saint Vincent nous rassemble tous sous cette même bannière de la fraternité engagée, de la foi profonde et active ; qu’il secoue nos léthargies et nos pessimismes ; et nous donne la vraie joie : celle de voir les autres plus heureux dans un monde meilleur, signe du Monde Nouveau !
Amen.