" En cette année 1926, la côte Basque semble être devenue un havre de l’oubli des difficultés post-guerre. .."
En cette année 1926, la côte Basque semble être devenue un havre de l’oubli des difficultés post-guerre. Investissements privés et visiteurs se succèdent. Pourtant la vie est difficile pour les soldats rentrés du front, le pays confronté à un dette de 20 milliards dont les USA et les Anglais demandent le remboursement voit sa monnaie s’effondrer, son parlement se déchirer, les Présidents du Conseil se succéder.
Dans un tel contexte, Hendaye ville frontière, reprend ses efforts d’avant-guerre pour se positionner, grâce à sa plage et son climat, dans le concert des stations balnéaires. Tout en profitant de la baisse de valeur du franc, elle rêve de projets audacieux tels que la route de la corniche prolongée par un pont sur la Bidassoa entre Hendaye et Fontarabie et se lance dans une politique de grands travaux.
La chute du franc a son effet tant sur les locations saisonnières que sur le commerce local. Pour juillet et août les hôtels n’ont plus une chambre disponible, grâce surtout à la clientèle espagnole. Quant aux commerces, leurs produits sont particulièrement attractifs auprès de la population de Guipuzcoa et de passage du fait du change particulièrement favorable et cela malgré l’incitation de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bayonne à augmenter les prix de 30%. D’ailleurs, cet avantage concurrentiel provoque une réaction des organisations de commerçants de Saint-Sébastien. Elles demandent aux autorités de redoubler d’effort contre la contrebande et de contraindre les touristes à limiter les achats en France. De toute façon elles ne peuvent rien contre les comportements et les effets de mode, les coiffeurs hendayais et de la côte Basque étant très courus par les Espagnoles car pratiquant les nouvelles coupes de cheveux parisiennes.
Les projets étant d’envergure, les travaux le sont de même. Le financement se répartit entre la collectivité territoriale, la foncière du Sud-Ouest et le privé mais la Municipalité a dû lancer un emprunt de 250 000 F auprès de la population qui y a répondu très favorablement. Côté V.R.D. (Voies, Réseaux et travaux Divers). Les travaux de sondage de la Bidassoa préalables à la construction du pont entre Fontarabie et Hendaye ont débuté. La route de la corniche arrive déjà au niveau d’Haïçabia. La double grande canalisation d’eau qui irriguera le quartier de la plage est en cours d’installation. L’éclairage de la ville haute et de la rue reliant la gare est rénové par l’entreprise Irun-Endara qui a installé celui d’Irun. Le fronton Gaztelu Zahar est clôturé grâce à un don de la Comtesse de Faucigny Trévise. Une adjudication est réalisée aux Joncaux, les terrains seront attribués seulement pour des cultures maraîchères. Le Ministre des Travaux Publics, Monsieur de Monaie, en visite à Hendaye en mars, fût fort impressionné par ce dynamisme.
Ces aménagements et infrastructures effectués, l’immobilier peut se développer. Les architectes Durandeau et Goldberg, peuvent laisser libre cours à leur imagination pour créer des villas à l’architecture inspirée des fermes traditionnelles basques. L’Eskualduna, le lieu de vacances favori de Courteline, devenu trop petit, s’agrandit et construit la galerie des arceaux. Les travaux sont menés par la Société des Travaux Publics et des Matériaux de Paris. Le golf, dessiné par le spécialiste anglais Colt a été amélioré par l’installation d’un neuvième trou. Quant à l’Hôtellerie ou la Réserve de Haïçabia, après une inauguration l’année précédente, elle n’a réouvert qu’en août, du fait des nouveaux travaux réalisés, notamment la rotonde du dancing qui en fera son succès.
La rentabilisation de tous ces équipements exigeant une forte fréquentation, acteurs privés comme le Casino, l’Hôtellerie d’Haïçabia et le Stade Hendayais ou publics comme le Syndicat d’Initiative ont concocté un programme de réjouissances adapté aux « Villégiaturants », sans oublier la population autochtone. Les concepteurs utilisent, pour ces animations, adroitement la localisation de la ville a proximité et à mi-chemin de Biarritz et Saint-Sébastien.
Les galas, concerts et spectacles (par exemple la Traviata) se succèdent aux Variétés, au Casino ou à son Dancing « Ramuntcho ». Les galas conçus par les époux Bourdel et animés par les orchestres « The Blues » et « Devils » attirent des familles connues de la société parisienne, Henry Martinet espérant ainsi créer un effet réseau favorable au développement de la station balnéaire. L’Hôtellerie d’Haïçabia, s’appuyant sur son dancing à rotonde et son excellente table n’est pas en reste, et attire un public venu de toute la côte Basque. Les galas sont souvent organisés à propos de nombreuses causes telles que la Caisse Sociale des mutilés de France ou comme celui du Stade Hendayais pour le redressement du Franc.
Le public local n’est pas oublié, où peut-être c’est une façon de vendre un peu d’exotisme aux « Villégiaturants ». De nombreuses parties de pelote internationales aux frontons Gaztelu Zahar et Bordaberry sont programmées. Les représentations folkloriques ne sont pas oubliées. Le Syndicat d’initiative, en cette année 1926, ajoute à ces festivités traditionnelles un concours de voitures fleuries, une bataille de fleurs, une course cycliste avec départ et arrivée à Haïçabia et une course automobile dans les rues de la plage.
D’autres événements font la joie des Hendayais. Dans la semaine du 20 juillet, le Centre-ville, ses hôtels et ses garages sont envahis par les concurrents du Meeting Européen d’automobile de Saint-Sébastien qui effectuent leurs dernières préparations autour de Hendaye. Voitures de course et de sport parcourent les rues sous les applaudissements des passants. Parfois le tragique se mêle au comique, par exemple quand un quidam s’introduit dans la rotonde des locomotives, en vole une et très rapidement tamponne une consœur quelques hectomètres plus loin.
Signe que Hendaye est sur la bonne voie, la première locomotive électrique arrive en mars à Hendaye. La ligne régulière utilisera cette traction innovante à partir du mois de novembre.
Jacques Eguimendya
Président Passion Txingudi
Sources : La Cote Basque du n° 89 au n°139
El Bidasoa du 30 mai 1926, 11 juillet 1926,25 juillet 1926, 1er août 1926
La Frontera du 24 juillet 1926
https://fr.wikipedia.org/wiki/12_Heures_de_Saint-S%C3%A9bastien