Titi
Thierry SICHERRE
Décédé le 6 janvier 2021
Bénédiction et inhumé le 03 février 2021
Lc 16, 19-31
Traduction Pierre de Beaumont
Jésus dit à ses disciples cette parabole :
« Un homme riche s’habille de beaux tissus et chaque jour est fête pour lui.
Un pauvre, nommé Lazare, couche près de la porte de sa maison.
Il est malade. Il a faim.
Il serait heureux de manger ce qui tombe de la table du riche.
Bien plus, les chiens eux-mêmes, viennent lécher ses plaies.
Le pauvre meurt. Il est emporté par les anges chez Abraham.
Le riche meurt aussi. On l’enterre.
Il souffre terriblement dans le monde des morts.
Il lève les yeux. Il voit de loin Abraham et auprès de lui Lazare.
Alors il s’écrit :
‘Père Abraham, aie pitié de moi. Ma langue est sèche.
Envoie Lazare me porter quelques gouttes d’eau sur le bout de son doigt.
Je souffre terriblement dans ce feu’.
Abraham répond :
‘Mon enfant, rappelle-toi : Tu as reçu beaucoup de richesses
pendant ta vie. Lazare, lui, a traversé beaucoup de malheurs.
Maintenant il est heureux ici ; et toi, tu souffres là.
Toi et moi, nous ne sommes plus dans le même monde.
Ceux qui voudraient passer de ce monde-ci à ton monde à toi,
ou de ton monde à celui-ci ne peuvent pas le faire.’
Le riche reprend :
‘Père, Abraham, je te demande d’envoyer Lazare dans la maison de mon père. J’ai cinq frères. Il faut qu’il leur dise la vérité. Il ne faut pas qu’ils viennent aussi dans l’endroit où je souffre maintenant.’
Abraham répond :
‘Ils ont Moïse et les prophètes. Qu’ils les écoutent.’
Le riche reprend :
‘Non, père Abraham, si quelqu’un de chez les morts va les trouver ils changeront leur cœur.’
Abraham dit :
‘S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, même si quelqu’un ressuscite d’entre les morts, ils ne le croiront pas.’ »
Homélie
Cette page de l’évangile, c’est votre vie… et c’est notre vie avec vous.
Le pauvre Lazare ce sont tous les sans-logis, sans domicile fixe, sans travail, sans dignité.
Comme vous il avait des chiens qui lui tenaient compagnie et lui donnaient un peu de présence, de tendresse, de chaleur, de réconfort.
Le riche, c’est nous qui souvent avons tout ce qui nous faut : un logement, de la nourriture, du chauffage, une famille, des amis.
Parfois on vous tourne le dos ; alors on creuse un fossé
D’autre fois on vous regarde avec tendresse ; on vous écoute ; on vous ouvre nos maisons, nos associations ; alors on fait un pont entre vous et nous, entre nous et vous ; plus de fossé.
En même temps, on devine que vos vies ont été difficiles et que votre vie actuelle n’est pas toujours un choix ; souvent une nécessité ; un pari de vivre autre chose et ailleurs ; vous avez, vous aussi vos plaies physiques, morales, sentimentales comme le pauvre Lazare avait ses plaies.
Et voilà qu’aujourd’hui c’est l’un de vous, Titi, qui comme le pauvre Lazare meurt après une vie dans la rue, les squats, sa voiture.
Il était votre frère de galère, votre frère de démerde, votre frère de cœur ; il savait partager avec vous le peu qu’il avait ; et quand cela lui était possible, il bossait : des coups de mains par ci par là, des saisons aussi dans l’agriculture.
Pour tenir, comme vous, il consommait. Je sais, nous savons. Mais je ne suis pas ici pour juger ; mais pour souligner avec affection toutes les dimensions de sa vie, de vos vies, même celle-là qui, tôt ou tard, vous défigure à petit feu. Mais que ferions-nous, que ferais-je si j’étais à votre place ? La même chose...
= Aujourd’hui, vous êtes fiers et apaisés que le corps de Titi ait pu être ramené à Hendaye ; vous lui rendez un hommage ici, et tout à l’heure à Caneta où il s’est éteint ce 6 janvier dans la nuit ; ce lieu que vous avez signée d’un cœur avec son prénom.
Et vous avez voulu qu’il y ait un temps de recueillement, de témoignages, de respect dans cette église qui est la vôtre autant que celle de tous les hendayais ; et même vos chiens aujourd’hui et vos sacs sont les bienvenus dans la maison du Seigneur, bref tout ce qui vous reste pour vivre et dont vous prenez soin.
Ici, on ne célèbre pas la mort, on célèbre la vie : et la vie éternelle ; la vie de l’âme de Titi. Même s’il n’était pas ou plus chrétien, je suis certain qu’il est au ciel, comme le pauvre Lazare de l’Evangile. Et je reprends pour Titi ces mots que nous entendions : « Le pauvre meurt. Il est emporté par les anges chez Abraham ».
Bien sûr son corps reposera en terre hendayaise mais, je le redis, son âme, le plus beau et le plus vrai de lui, ne mourra jamais. Sa vie continue au ciel. Dans une maison belle et lumineuse, la Maison de Dieu le Père en compagnie de Jésus, de Marie et des saints. Et là-haut, Titi sera un homme nouveau, sauvé, lumineux
Comme disait Abraham au riche qui était mort : « Rappelle-toi : tu as reçu beaucoup des richesses pendant ta vie. Lazare, lui, a traversé beaucoup de malheurs. Maintenant il est heureux ici. Toi et moi nous ne sommes plus dans le même monde. »
= Alors en vous quittant, Titi vous donne une mission, et cette mission nous la partagerons avec vous : jamais plus ça. Jamais plus d’homme ou de femme qui meurt dans la rue ; jamais plus de pauvre sans toit. Il faut continuer de travailler cette question avec tous ceux qui ont les moyens de faire avancer les choses.
C’est un devoir pour nous tous.
C’est un devoir pour les élus, les associations, la paroisse, les individus.
Ce n’est pas de la pitié, c’est un droit à la dignité.
Trois citations de l’abbé Pierre pour terminer comme des appels pour nous puisque nous pleurons Titi ; mais aussi puisque nous pleurons les dysfonctionnements de la société :
= Le contraire de la misère, ce n’est pas la richesse. Le contraire de la misère, c’est le partage.
= La vraie charité ne consiste pas à pleurer ou simplement à donner, mais à agir contre l’injustice.
= Sur ma tombe au lieu de fleurs et de couronnes, apportez-moi la liste des milliers de familles, des milliers de petits enfants auxquels vous avez donné les clés d’un vrai logement.
Titi ce n’est pas pour rien que tu es mort ; ce n’est pas pour rien que tu es maintenant avec Dieu.
Tu nous laisses une feuille de route à réaliser ensemble !
Amen
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Texte lu par l’abbé Beñat FOURGS
bénévole à l’association TXOKO (accueil des sans-abris)
lors de la célébration
Aujourd’hui, Titi, nous tes proches nous te disons adieu.
Nous espérons que silencieusement tu as rejoint
ceux que tu aimais, ceux dont tu avais partagé le travail, les soucis, la galère
ceux que tu avais aidés ou qui t’avaient rendu service.
Demain, nous aussi nous partirons
sans avoir terminé notre travail,
nous laisserons sans doute des choses à faire,
que d’autres, à notre place, poursuivront.
Mais ce jour-là nous espérons te retrouver,
nous viendrons, silencieusement, nous asseoir auprès de toi
Dans la maison de Dieu.
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Hommage et témoignage
de Alain CAILLIAU
bénévole à l’Association TXOKO
lors de la bénédiction de Titi
Je suis très heureux de voir cette grande famille réunie autour de notre très cher Titi.
J’ai connu Titi grâce à Jirka qui était au squat de Sainte-Anne.
J’allais le chercher avec tous ceux qui étaient avec lui et leurs chiens.
Ils montaient tous dans ma camionnette pour aller au nouveau TXOKO à 3 km de là.
Je n’ai pas eu le temps de vraiment le connaître mais j’ai vu en lui une belle personne souriante avec un côté fraternel.
Voici comment aujourd’hui je prie pour Titi sur un grain de mon chapelet :
« Marie et Saint Joseph, intercédez, s’il vous plait, pour Titi. Merci ! »
Voilà, c’est tout simple comme prière et je la ferai avec joie tous les jours avec ma compagne. On m’avait appris que les prières étaient bonnes pour les âmes du purgatoire et qu’elles en avaient vraiment besoin.
Je tiens à remercier Julie et Vini qui ont voulu organiser cet hommage et cette bénédiction avec l’aide de notre curé, l’abbé Jean-Marc qui a accepté de recevoir dans l’église tous nos frères et sœurs avec leurs sacs et leurs chiens.
De tout cœur avec toi Titi et toute ta famille ici présente.
Alain