4ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE A
Bien avant Jésus, Moïse avait gravi seul la montagne du Sinaï, le peuple l’attendait en bas. Dans un grondement de tonnerre il avait reçu du Seigneur la loi qui allait permettre aux hébreux de devenir un seul peuple, une seule nation.
Cette loi fut écrite sur des tablettes de pierre ; et Moïse la brisa. Par ce geste nous pouvons comprendre que Dieu ne veut pas écrire la loi sur la pierre mais dans les cœurs.
Aujourd’hui, Jésus, le nouveau Moïse, gravit la montagne mais plus seul ! Il entraîne derrière lui toutes ces femmes et ces hommes accablés par la dureté de la vie.
Avant d’ouvrir la bouche, Jésus s’assoit et invite ses disciples et la foule à faire de même. Car son message ne sera pas « audible » dans la course et le stress de la vie quotidienne. Il va falloir s’arrêter, perdre apparemment du temps, faire l’effort de monter, prendre un peu de hauteur de vue… Alors seulement, il sera possible à la foule, et à nous aujourd’hui, de goûter sa Parole. La vie spirituelle suppose que nous nous arrêtions de courir, que nous fassions un détour, que nous bousculions nos habitudes…
Il n’est plus question ici de loi ou d’interdictions mais Jésus offre des consignes pour atteindre le bonheur. Un bonheur pas seulement pour l’au-delà mais pour aujourd’hui, un bonheur non pas réservé à tous ceux qui bénéficient déjà de tous les avantages, mais un bonheur accessible même aux plus petits, surtout au plus petits.
Le prophète Sophonie dans la première lecture parlait des « humbles du pays » du « peuple pauvre et petit » du « reste d’Israël »
Saint Paul disait dans la deuxième lecture : « Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi. »
En effet, mes amis, plus nous reconnaîtrons que la glaise de notre existence a besoin des tendres mains de Dieu pour prendre forme et vie, plus nous pourrons devenir ce vase dans lequel le Christ déversera le bonheur promis…
Et voilà ce bonheur :
« Heureux les pauvres de cœur » : c’est-à-dire ceux qui reconnaissent qu’ils ne sont pas tout, qui laissent de la place aux autres. Heureux ceux qui ne se suffisent pas à eux-mêmes mais
reconnaissent qu’ils ont besoin des autres.
« Heureux les doux » : c’est-à-dire ceux qui ont une telle force intérieure, une telle confiance qu’ils n’éprouvent pas le besoin d’écraser les autres ou de recourir à la violence, l’arme des faibles et de ceux qui ont peur.
« Heureux ceux qui pleurent » : non pas un monde sans larmes, où les autres seraient indifférents à nos tristesses et à nos deuils, un monde où les peines ne seraient pas partagées. Mais heureux ceux qui savent s’attendrir, partager le chagrin des autres et verser des larmes sur leurs souffrances.
« Heureux ceux qui ont faim et soif de justice » : Peut-on imaginer une société où ne règnerait que la loi du plus fort, une société sans revendication ni contestation, tous esclaves des puissants, sans respect ni reconnaissance de ce qu’il y a de sacré en chacun ?
« Heureux les miséricordieux » : la miséricorde est proche de la compassion, et compatir c’est porter ensemble le poids de la faute et de l’erreur. Heureux celui qui ne s’érige pas en juge, n’accuse pas, mais comprend la faiblesse, la fragilité et les erreurs des autres. Il sait que s’il avait été dans les mêmes conditions il aurait peut-être agi pareillement.
« Heureux les cœurs purs » : Est pur, ce qui est limpide, c’est-à-dire ici celui qui ne porte pas de masque, ne joue pas un personnage, n’a pas deux visages. Heureux ceux qui ne sont pas seulement une façade mais authentiquement eux-mêmes. Ils ne jouent pas la comédie mais leur cœur est transparent.
« Heureux les artisans de paix » : parce qu’ils reconnaissent, dans le visage de l’autre, le visage d’un frère, d’une sœur ; tous fils et filles bien-aimés du Père.
« Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice » : ils sont encore nombreux ceux et celles qui sont persécutés pour la justice, parce qu’ils ont choisi le parti des sans voix, des marginaux.
« Heureux ceux qui sont insultés, persécutés, dont on dit du mal à cause de Jésus » : Heureux ceux qui se donnent du mal pour construire le Royaume. Nous savons que rien ne se fait sans peine. On apprécie beaucoup mieux et on éprouve plus de joie pour ce qu’on a construit en cohérence avec ses valeurs.
Ces béatitudes, au nombre de 9 (3 fois 3 pour ceux qui aiment les nombres, c’est-à-dire la perfection des perfections) ces béatitudes sont la nouvelle loi que Jésus propose, loi que nous devons prolonger, réinventer chacun personnellement.
C’est à nous en effet de réinventer chaque jour, concrètement au fil des événements le commandement d’amour pour le bonheur de tous.
Ceux qui vivent selon ce programme de vie seront un jour « consolés », « rassasiés de justice », ils « obtiendront miséricorde », ils « verront Dieu » et jouiront éternellement de son royaume au ciel de son grand Amour.
Amen