DEUXIEME DIMANCHE DE L’AVENT C
Vous avez remarqué combien l’Evangile selon saint Luc insiste sur le contexte historique de son message ; comme pour nous dire : « ce que j’écris est véridique, ce n’est pas une fable, c’est du vrai de vrai ».
Oui, Luc met au-devant de la scène tous les personnages politiques et religieux du moment : l’empereur romain Tibère, son représentant en Judée Ponce Pilate, Hérode prince de Galilée et d’autres petits rois. Il cite également les autorités religieuses, Anne et Caïphe.
Face à ces personnages prestigieux, nous avons un homme tout simple, un prophète lui aussi ; il s’appelle Jean (Jean le Baptiste) ; il ne vit pas dans les palais ni dans le temple mais dans le désert. C’est là que la Parole de Dieu lui est adressée.
Oui, au temps de Jean le Baptiste, c’était dans le désert que la Parole de Dieu pouvait être le mieux entendue.
C’est important pour chacun de nous aujourd’hui : à la manière de Jean le Baptiste, nous sommes tous invités au désert pour entendre ce que Dieu a à nous dire aujourd’hui. C’est ainsi que nous allons vers Noël, que nous préparons le chemin du Seigneur.
Le désert dont Dieu nous parle, il est en chacun de nous. Le désert est synonyme de silence. Aller dans le désert, c’est trouver le silence.
Nous vivons dans une société où le bruit nous envahit de tous côtés. Et pourtant, le silence est absolument essentiel.
Le docteur Jean-Louis ETIENNE connu pour ses expéditions en Arctique – il a été le premier homme à atteindre le pôle Nord en solitaire en 1986 – et en Antarctique un peu plus tard, disait « Nous sommes trop sollicités par ce monde qui va trop vite. Nous ne prenons pas le temps de nous arrêter, de faire silence pour que nous puissions nous poser la question de savoir si la vie que nous menons est bien accrochée à l’essentiel ». (Jean-Louis Étienne).
Emportés les uns et les autres dans le tourbillon de la vie, il nous faut faire des moments de désert si nous voulons rester des hommes et des femmes d’intériorité, si nous voulons simplement rester des croyants.
Noël, c’est la visite de Dieu dans nos cœurs, mais si nous sommes ailleurs, la visite n’aura pas lieu. Pour l’entendre, il faut que nous l’écoutions. C’est pour cette raison que Jean va au désert. C’est dans le silence que nous commençons à entendre. Dieu ne demande qu’à parler au cœur de chacun.
Ce désert dont parle saint Luc nous renvoie également à celui que nous subissons (c’est le côté sombre du désert) : le désert de la pandémie que nous avons vécu et qui est toujours d’actualité… le désert terrible de la maladie… le désert brûlant de la mort… le désert glacial de la solitude… le désert aride de l’échec professionnel ou du chômage… le désert de tous les abus dans l’Eglise (d’autorité, de conscience et sexuel).
C’est dans tous ces déserts que les paroles de Jean le Baptiste nous rejoignent : « Préparez le chemin du Seigneur… Rendez droits ses sentiers ! Tout ravin sera comblé… »
Oui, aujourd’hui encore, il nous faut combler les ravins de nos rejets et de nos peurs de l’autre ; abaisser les montagnes de nos préjugés et de nos aprioris ; il nous faut aplanir les sentiers de nos égoïsmes personnels et collectifs, de notre orgueil et de notre suffisance ; redresser les chemins tortueux de nos mensonges, de nos lâchetés, de nos critiques incessantes ; aplanir les chemins rocailleux de nos violences, de nos haines, de nos jugements péremptoires.
Tout cela doit disparaître dans le temps de l’Avent pour pouvoir voir, dans l’enfant qui nait à Noël, la Justice et la Gloire de Dieu, son amour et sa miséricorde.
L’Avent n’est pas un temps anodin et inutile : il est nécessaire pour préparer nos cœurs à percevoir, de l’intérieur, le mystère d’une justice qui nous dépasse et nous déconcerte, la joie d’une miséricorde qui dépasse nos timides pardons, la gloire d’un salut qui relève et n’abaisse pas, qui construit et ne détruit pas.
Cette conversion à laquelle Jean Baptiste nous appelle, c’est vraiment un changement de toute notre vie.
Cette conversion n’est pas d’abord un passage du vice à la vertu ; c’est surtout un passage du fatalisme à l’espérance, du doute à la foi, du repli sur soi à l’ouverture.
L’espérance chrétienne c’est de croire que Dieu est à l’œuvre. Même quand tout va mal il est là. Il agit dans le cœur des hommes. Nous en avons des signes dans les gestes de dévouement et de solidarité des uns et des autres. À travers eux c’est Dieu qui est là. Son amour est plus fort que la haine ; ne nous laissons pas voler notre espérance !
Alors oui, nous pourront faire écho au message d’espérance de Baruc (première lecture) qui consolait le peuple de Dieu découragé : « « Quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours ». Amen