2e dimanche de l'Avent Année B

Jésus et Jean : pionniers de nouveauté.

                Au centre de l'évangile de ce 2e dimanche de l'Avent, se dresse la figure de Jean-Baptiste qui annonce un grand tournant dans l'histoire de l'humanité. Ce n'est pas seulement un changement qu'il annonce, mais la personne qui change tout : ''Celui qui est plus puissant que moi, c'est lui qui baptisera dans l'Esprit-Saint''.

                Le changement en question ne trouve pas de mots humains pour s'exprimer. Voilà pourquoi la liturgie choisit pour aujourd'hui, à part l'évangile, d'autres lectures qui, pour nous faire entrer dans la dynamique de ce changement, recourt à des images.

                Ainsi la première lecture : "tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées, les passages tortueux deviendront droits et les escarpements seront changés en plaine". La deuxième lecture l'annonce en des termes encore plus brutaux : " les cieux disparaitront avec fracas, les éléments en feu seront détruits, la terre avec tout ce qu'on y a fait sera brûlée".

                Encore un peu, l'image qui nous vient en tête pour saisir le changement en question, c'est celle d'une révolution. Mais entendons-nous bien, une révolution ne change, tout au plus, que des structures extérieures ; mais elle ne change rien au cœur de l'homme. Elle change peut-être de places aux différents acteurs de la société : les opprimés d'aujourd'hui deviennent les oppresseurs de demain, les oppresseurs d'aujourd'hui deviennent les opprimés de demain, en attendant que cet ordre renversé, se renverse encore et qu'on revienne au point de départ. Dans l'histoire moderne, c'est la question des prolétaires et des bourgeois.

                Ce que Jean-Baptiste annonce et ce que le Messie réalise sont d'un tout autre ordre. Jean-Baptiste proclamait un baptême pour le pardon des péchés, mais le Messie réalise le salut de l'homme. En invitant à la conversion du cœur, Jean ne situe pas le changement au niveau des structures extérieures et des institutions ; mais au cœur de l'homme. C'est le cœur renouvelé qui change tout à la base et durablement.

                Le Messie constitue l'axe autour duquel se déroule le changement. Il n'intervient pas dans l'histoire comme l'ennemi du passé à la manière des révolutionnaires. Il agit comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe. Il agit en faisant disparaître le temps où le péché de l'homme lui attire des châtiments et des revers dans sa vie. Et en faisant advenir le temps de l'espérance, il fait disparaître le temps de la terreur et rétablit le temps de la confiance. Tout cela ne peut advenir que si le Messie accepte d'entrer dans l'histoire pour y promouvoir la dynamique de la nouveauté. Or, cette nouveauté, ce n'est pas un point de l'histoire, un chaînon de l'histoire. C'est une histoire qui laisse trace et se transmet en aval et en amont.

                L'évangile aujourd'hui situe le commencement absolu de cette histoire à la proclamation de l'évangile : "Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, le fils de Dieu". Cette Bonne Nouvelle avait été proclamée par Esaïe : "Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion ; élève la voix avec force, toi qui porte la bonne nouvelle à Jérusalem". Avec ce nouveau commencement, la Bonne Nouvelle atteint une plénitude irréversible car désormais à travers le Messie, Dieu révèle sa face de miséricorde lorsqu'il déclare : " Consolez, consolez mon peuple".

                Ces paroles sont si douces qu'elles constituent un nouveau point de départ pour l'histoire de l'humanité, appelée désormais à entrer dans la miséricorde de Dieu. Ce qui caractérise positivement la nouvelle ère de l'humanité, c'est de voir se lever sur elle, la gloire du Seigneur : "Alors la gloire du Seigneur se révèlera", lit-on dans la première lecture de ce jour. Celui qui ne comprend pas pourra dire que "gloire du Seigneur" est une expression abstraite. Mais en réalité, elle exprime ce qu'il y a de plus concret dans les attentes de l'homme et on la comprend mieux avec l'explication de saint Irénée qui affirme que la gloire de Dieu, c'est l'homme vivant, c'est l'homme débout. Cela revient à dire que la gloire de Dieu, c'est l'homme sauvé. Cette gloire ne revient donc pas à un phénomène étincelant de la splendeur divine ; mais Dieu met sa gloire à sauver l'homme.

                Tout ce qui reste à l'homme, c'est de se laisser inonder par cette gloire qui entre dans son histoire comme un don gratuit de Dieu. La gloire du Seigneur resplendit quand, au dire du psaume responsorial : "le Seigneur donne ses bienfaits, et notre terre donne son fruit". Le salut de l'homme est fruit d'un don gratuit et de la collaboration de l'homme.

                Et qu'est-ce que l'homme doit faire ? Se convertir : qu'est-ce à dire ? Amener son être intérieur à se conformer à la pensée de Dieu et à ses desseins, dans une attitude de soumission à son plan et à sa volonté. La conversion ne consiste pas seulement dans des recettes de pratiques extérieures ou des dévotions pieuses, mais la révision de fond en comble d'une vie qui cesse de se centrer autour de soi pour rechercher la justice de Dieu et l'amour du prochain. La conversion, c'est la plus belle aventure que l'homme puisse courir sur la terre, celle qui ne consiste pas seulement à vivre une histoire en compagnie avec les hommes, mais à jouir de la solidarité de son Dieu qui se mêle de l'histoire pour en faire une aventure de salut avec le don de sa miséricorde. La conversion est synodale : c'est la part de l'homme qui jouit gratuitement de la miséricorde de Dieu pour son salut. Sans la conversion, l'homme ne peut pas être sauver. Toutefois, Dieu ne sauve pas l'homme parce qu'il se convertit, mais parce qu'il se rend conscient de l'appel divin et qu'il se rend disponible. L'homme destiné au salut est celui qui passe le temps comme l'opportunité d'être sauvé et c'est ainsi qu'il sera sauvé.