25ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE A
Rarement la dernière phrase de la 1ere lecture n’aura si bien illustré l’Evangile que nous venons d’entendre : « Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées. »
Cette phrase qu’Isaïe prête à Dieu s’applique parfaitement à cette parabole des ouvriers de la 11ème heure, car ce n’est vraiment pas la logique humaine que de rétribuer également ceux qui travaillent une heure comme ceux qui travaillent toute une journée.
Mais il ne s’agit pas de demander à Dieu de nous ressembler au contraire, c’est bien à nous d’essayer d’épouser les mœurs de Dieu. Pour ce faire, essayons de bien comprendre cette parabole.
La première bonne nouvelle de cet Evangile, c’est que Dieu (représenté pas le Maître du domaine dans la parabole) a besoin de tout le monde, à tout moment, pour travailler à sa vigne. Oui Dieu sort tout le temps à la recherche de l’Homme. Il a soif d’entrer en relation avec l’Homme, et il est sans repos tant qu’il ne demeure dans le cœur de l’Homme.
Seconde bonne nouvelle : si la rétribution du travail représenté par le denier est le symbole de l’amour de Dieu, alors cet amour est le même pour tous, qui que nous soyons et quoi que nous ayons fait ! La bonté de Dieu ne fait pas de tri entre les humains, comme Jésus le dit très bien dans un autre passage de l’Evangile de Matthieu : « il fait briller son soleil sur les bons comme sur les méchants » (Mt 5, 45). Mais si l’on veut être honnêtes, est-ce pour nous une si bonne nouvelle que cela ? Est-ce si évident pour moi d’accepter que Dieu soit bon avec tous, quoi que nous ayons fait ? Est-ce qu’au fond ça ne me gêne pas un peu que celui qui en fait moins que moi soit autant aimé que moi ? Allez soyons francs : ce n’est pas si facile d’accepter que celui qui fait du mal ou qui ne fait aucun effort ait la même rétribution que moi ! Non ?
Finalement, cet Evangile est dérangeant, il vient bousculer notre conception de la justice.
Il faut bien avouer que cette notion de rétribution au mérite est toujours présente quelque part en arrière-plan quand nous pensons à Dieu : intuitivement, nous pensons qu’il devrait répondre à la hauteur de nos efforts et selon notre mérite. En ce sens, nous ressemblons au fils aîné dans la parabole de l’enfant prodigue, qui a bien du mal à accueillir l’amour que son père porte à son frère qui a dilapidé l’héritage dans une vie de désordre. Mais comment Dieu peut-il aimer une telle personne ? Cela dépasse notre entendement.
Oui cette parabole nous invite à penser autrement, à dépasser notre entendement. En fait, tant que nous sommes dans une logique comptable avec Dieu, nous serons gênés par cette parabole.
Pour opérer ce dépassement, pour tendre vers ce regard que Dieu pose sur chacun et chacune d’entre nous, je vous invite à vous intéresser quelques instants aux ouvriers qui attendent : qu’attendent-ils ? sont-ils forcément des fainéants ? Je ne pense pas ; pour moi ces ouvriers sont des personnes qui souhaitent être embauchées mais qui ne trouvent pas de travail.
Peut-être sont-ils fatigués et découragés par cette journée sans succès… lorsqu’ils rencontrent ce maître qui leur propose enfin d’œuvrer dans sa vigne, se disant intérieurement : "s'il nous embauche, ne serait-ce qu’une heure, ce sera toujours mieux que rien, au moins on n'aura pas cherché toute une journée pour rien".
Il peut nous arriver à nous aussi, de nous sentir inutiles, sans possibilité de donner le meilleur de nous-même parce que personne ne veut de nous et ne croit en nous! Ou là, enfin quelqu'un croit en eux, quelqu'un leur fait confiance, il leur offre l'opportunité de donner le meilleur même; alors ils foncent, ils ne rechignement pas, ils disent oui tout de suite, sans même prendre le temps de parler salaire, tellement ils sont heureux de trouver enfin du travail, même s'ils savent qu'ils ne gagneront pas suffisamment pour nourrir leur famille aujourd'hui.
Le maître sait tout cela, il sait qu’ils n’ont travaillés qu’une heure et que ce qu’il leur donne pourtant au travail d’une journée entière; mais comment pourrait-il les renvoyer sans un minimum pour manger? Vous voyez le cœur de Dieu? Vous le sentez battre amoureusement pour tous les humains? Le maître prend en compte la fatigue due à la journée de recherche et le besoin de chacun de pouvoir vivre de leur travail. Voilà la logique de Dieu, voilà les mœurs de Dieu. Nous sommes invités à imiter Dieu dans sa façon d'aimer sans compter et sans calculer, d'aimer en ayant un regard large sur les autres, et sur nous-même.
C’est la rentrée, après ce temps de vacances, un nouveau temps commence. Beaucoup d'entre nous repartent avec des soucis, avec une certaine inquiétude. Il y a des raisons pour cela, je le sais. Mais voilà que Dieu, par la bouche de Jésus, nous redit aujourd’hui que rien n’est perdu pour lui, qu’il est capable de ressusciter nos temps mort et de recycler nos temps apparemment perdus, car tout sert à quelque chose pour Dieu, toute notre vie est utile, même les moments noirs, les moments difficiles, tout est précieux pour Dieu, tout a du prix à ses yeux : l’actif comme l’inactif, le travailleur comme celui qui est cloué sur son lit d’hôpital, la jeunesse comme le grand âge, que nous œuvrions pour lui à la première comme à la 11ème heure : tout a du prix aux yeux de Dieu.
Puissions-nous nous regarder ainsi les uns les autres.
Amen