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La Paroisse
Homélie du 22ème dimanche du temps ordinaire
Homélie du 22ème dimanche du temps ordinaire

| Jean-Marc Lavigne 1009 mots

Homélie du 22ème dimanche du temps ordinaire

Homélie

 

            Au tout début de son roman, Le Pavillon des cancéreux, Soljénitsyne décrit la des­cente infernale d'un dignitaire du régime soviétique atteint d'une grave maladie.  

Imprévue, inatten­due, la maladie change Paul Roussanov en quelques jours.

De tempérament insouciant et heureux, le voici dou­blement accablé à l'idée d'être atteint par celle maladie et d'avoir à se soumettre au régime com­mun de l'hôpital.   

Alors il sollicite des amis de lui rechercher un établissement privilégié, une chambre réservée... mais cela se révèle impossible dans l'urgence.

Les seuls avantages obtenus en sa faveur sont dérisoires : il peut juste échapper aux formalités administratives, au bain réglementaire et au pyjama uniforme de l'hôpital !

Ce n'est pas fini, car, dans cet établissement, tout le révulse : la peinture écaillée des chambres, la vue des malades avec leurs béquilles, les crachats d'autres patients... Il semble éprouver l'avertisse­ment du Christ : "Quiconque s'élève sera abaissé"' !

 

Fort heureusement son histoire ne s'arrête pas là... Après le choc initial, c'est la découverte pro­gressive d'une fraternité nouvelle, celle des pauvres.

Il se lie avec des patients, des soignants, et s'intègre au sein de l'établissement hospitalier où les privilèges sont bannis : sa situation antérieure de privilégié le coupait de tous les pauvres ; en cet hôpital, une nouvelle vie lui est offerte.

 

Jésus n'a pas attendu d'être malade pour vivre le mouvement de l'abaissement. Toute sa vie s'est accomplie sous le signe d'une dépossession perma­nente. L'hymne bien connue de l'épître aux Philippiens décrit un double abaissement : Jésus, qui était de condition divine, s'est anéanti dans le mys­tère de l'incarnation ; puis, homme parmi les hommes, il s'est anéanti une deuxième fois en acceptant la mort sur une croix, comme un esclave.

 

Ce double abaissement n'a pas été subi, mais accepté : "Ma vie nul ne la prend, mais c'est moi qui la donne". C'est dans le dynamisme de ce don, de cette offrande, qu'il a pu rencontrer les pauvres et les malades, être près du bon larron sur la croix. L'abaissement a permis à Jésus d'entrer de plain-pied dans le monde des pauvres et des petits.

 

       Jésus nous invite à sa suite, à le rejoindre à la table des pécheurs, au mépris de certaines conven­tions du monde. "Mon Fils, accomplis toute chose dans l'humilité", nous enseigne Ben Sira le sage dans la première lecture.

 

            Selon l’étymologie, être humble, c’est se trouver au plus près du sol (humus : la terre). Il ne s’agit pas de se dévaloriser en s’abaissant dans une sorte de masochisme inquiétant. Il s’agit de reconnaître notre « pesanteur », notre parenté de filles et de fils d’Adam et Eve avec la lourde glaise dont nous sommes issus et qui nous tire si souvent vers le bas !

Se reconnaître fragile, vulnérable, c’est briser le verrou de l’orgueil, laisser l’Esprit ouvrir enfin l’oreille de notre cœur. C’est laisser Dieu entrer en nous par nos failles et nos blessures… L’humilité ? Une échelle vers le ciel !

 

            Reconnaissons-le franchement : nous ne met­tons pas souvent en pratique ce que Jésus nous propose de réaliser. Quand nous organisons un dîner, nous invitons le plus souvent des amis, des parents, des voisins, et très rarement des pauvres, des estropiés. Il nous est difficile, sinon impossible de mettre en pratique l'Évangile à la lettre.

 

            Dans ce qu’on pourrait appeler des “propos de table” Jésus annonce les nouvelles “règles de jeu”. Car dans la perspective de Royaume, c’est-à-dire dans ce qui, dans notre vie présente, est déjà préfiguration, annonce et même semence d’un monde autre, les situations sont renversées.

Alors que l’humanité fonctionne malheureusement, encore trop, selon la loi de la jungle, l’évangile est venu apporter un ferment neuf et révolutionnaire qui fait, enfin et définitivement, sortir l’homme de l’animalité.

 

Mais ne l’oublions jamais :

L’Évangile est un moteur et non un miroir. Il ne nous appartient pas d’expurger l’Évangile, ni d’en tirer des morceaux choisis plus conformes à nos vues humaines.

Car tout est là : l’Évangile doit-il flatter notre égoïsme ? approuver nos étroitesses ? souscrire à nos penchants naturels ? … ou bien doit-il au contraire nous tirer en avant, nous inciter au dépassement, nous enseigner une nouvelle manière de vivre et d’aimer, selon notre vocation éternelle de fils et de filles de Dieu ?

 

Non, le Christ ne prétend pas donner une leçon de politesse à ceux qui l’entourent.

Sa réflexion vise à rappeler aux convives - et par ricochet à nous tous - que Dieu désapprouve les pratiques des orgueilleux, de ceux qui se croient arrivés ; et que seuls les humbles et les pauvres de cœur trouvent grâce à ses yeux.

            Si les humbles et les pauvres doivent être considérés comme les premiers, les préférés, c'est parce qu'il y a en eux une attente qui sera comblée par Dieu. 

 

Vous me permettrez de vous partager pour terminer deux illustrations actuelles de l’évangile de ce jour :

 

= Sur l’humilité : il y a bientôt 10 ans décédait un grand Monsieur de l’orgue liturgique de notre diocèse : André BOURAS organiste à Anglet Saint Léon. Il excellait en la matière mais il était pourtant d’une humilité étonnante. Je lui dédie cette parole de Jésus aujourd’hui : « Quiconque s’abaisse sera élevée ». Que du ciel, André nous aide à travailler en nous la vertu de l’humilité.

 

= Sur la table ouverte aux pauvres : dans un diocèse voisin, un curé de paroisse avait invité son évêque à déjeuner au presbytère après la messe du jour de Noël. Pour le dessert et le café, le curé avait invité deux personnes seules et en difficulté : l’une ayant tout perdu après son divorce ; l’autre venant de trouver un logement après des années de vie dans la rue. La conversation s’engage. Le prélat s’intéresse à eux ; il même ému. En quittant le presbytère, il dit au curé : « Merci, mon frère, voilà un vrai Noël ».

 

            C'est maintenant le temps de la grâce, le temps du don parfait.  Le royaume est déjà parmi nous.

 

                                                                                   Amen

 

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