Vertu républicaine, la liberté est un acte de foi.
Tel que nous pouvons le lire à travers l'histoire des hommes, la liberté relève bien d'un sens universel, même si des structures politiques, culturelles ou religieuses, à travers le monde, se conduisent en ignorant cette valeur propre à l'homme. Et notre état français, si laïque et athée qu'il puisse être à travers certains de ses dirigeants ou de ses penseurs, ne peut pas nier la devise de ses frontons publics.
Nous avons vu, grâce aux citations précédentes (infolettre de la semaine dernière) combien le sens de la liberté humaine est central dans la Bible. Or, remarquons que les chrétiens ont été marqués par le sceau du péché qui les a stigmatisés pendant des siècles: la culpabilité. Justement au nom de cette liberté librement interprétée, on a voulu rejeter l'idée même du péché, en l'abandonnant à l'arrière-garde de cette chrétienté-là. Mais la liberté pour l'homme vient, précisément, de la faculté dont il dispose pour exécuter un choix. Choisir en particulier entre le bien et le mal. En relativisant la notion de mal on a voulu réduire la culpabilité de tout un chacun.
Alors il faut remonter à l'origine de l'humanité pour comprendre pourquoi l'homme est confronté à un choix entre obéissance ou non, et dispose de la liberté de répondre favorablement ou non à ce choix.
Genèse chapitre 2:
8 Le Seigneur Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et y plaça l’homme qu’il avait modelé.
9 Le Seigneur Dieu fit pousser du sol toutes sortes d’arbres à l’aspect désirable et aux fruits savoureux ; il y avait aussi l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
...
16 Le Seigneur Dieu donna à l’homme cet ordre : « Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin ;
17 mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car, le jour où tu en mangeras, tu mourras.
Ainsi la liberté, et la responsabilité qui en découle, sont intrinsèquement, viscéralement, inscrites dans la nature de l'homme, à son origine.
Cependant elle n'est pas une aptitude, une faculté que l'on aurait on non à divers degrés selon les personnes, comme au temps de la traite des noirs où l'homme blanc, supérieur est libre, et l'homme noir inférieur, ne l'est pas. Par cette remarque, on perçoit bien qu'il existe un lien très fort entre la liberté et l'égalité. C'est bien parce que les hommes sont égaux en droits que la liberté des uns se limite à celle des autres. Nous reviendrons sur l'égalité. Et voici que les ailes de la liberté libertaire se trouvent rognées.
“La liberté de l'individu doit être ainsi bornée : il ne doit pas se rendre nuisible aux autres.” ( John Stuart Mill)
Elle n'est pas non plus une vertu (bien que l'on parle des vertus républicaines) que l'on pourrait obtenir par un travail sur soi. On n'est pas vertueux parce qu'on est, ou qu'on se sent libre !
Ni vertu, ni aptitude, la liberté est donc notre nature propre et distinctive d'être humain. Cependant, comme l'homme lui-même se complait à brimer la liberté de l'autre, la société des hommes doit travailler pour l'acquérir... mais c'est bien en tant que société, pas en tant qu'individu. Je m'explique. Si pour l'individu la liberté est un droit (sans oublier qu'un droit implique inéluctablement un devoir), pour la société la liberté est d'abord un devoir qu'elle doit rendre à l'individu.
On comprend bien alors que la liberté, vue du côté de la société, est un rêve à toujours construire car toujours remis en question, toujours débattu, à l'intérieur d'elle-même aussi bien qu'hors des frontières. Nous ne trouverons pas dans les découvertes de la science la raison ni le sens de la liberté, mais nous la voulons parce que nous y croyons comme projet de vie individuel et collectif. Il faut alors être convaincu de cette vérité: l'homme nait libre. Tous les peuples qui ont ratifié les Droits de l'Homme croient en cette vérité. Car une vérité qui n'est pas de l'ordre du démontrable ne peut être que de l'ordre de la foi. Tous les hommes persuadés de la valeur de la liberté sont des croyants, qu'ils le savent ou l'ignorent !
Didier HOUDIN