" Notre périple durera plusieurs mois pour traverser le continent américain du nord au sud. Voyages fractionnés réalisés « en solo et sac à dos » à partir des années 1970."
Colombie, Equateur, sur le toit du monde andin
Bogota est réputée pour ses belles églises coloniales situées dans les vieux quartiers, près du musée de l’Or. Il est toutefois un sanctuaire « moderne » à ne pas manquer, située à 52 kilomètres de la capitale.
Zipaquira
Un peu plus d’une heure de route pour atteindre la cathédrale de Zipaquira. Le plus troublant lorsqu’on descend de l’autocar, est de ne rien voir qui dépasse les toits des maisons. Se serait-on trompé ? Le conducteur aurait-il mal compris ? Que non point. On ne risque pas de voir clocher ou flèches de cette église puisqu’elle est… souterraine ! Elle a été creusée dans le sous-sol de la montagne dans une mine de sel désaffectée, déjà exploitée par les Indiens. Plus d’une centaine de mineurs ont creusé et façonné durant quatre ans (1991 – 1995) ce qui est devenu la première merveille de la Colombie. Etonnant spectacle que parcourir des galeries où le sol, les murs, les voutes, sont en sel. De ce même sel utilisé pour la préparation des repas ! L’acoustique est particulière. Beaux souvenirs sonores d’une messe chantée avec le chœur d’hommes Oldarra.
De retour à Bogota, c’est avec une vision différente que l’on regarde les vieilles églises coloniales, les immeubles modernes, les marchés indiens, le tout dans un désordre parfait…
Cali
De Bogota à Cali, moins de 350 kilomètres sur la carte. Mais sur le terrain, une chaine de montagnes à descendre puis une autre à gravir, soit entre 11 et 12 heures de route, si tout va bien. Et tout cela uniquement pour aller admirer des jardins dont la réputation a fait le tour du pays, comme le regard des jeunes filles de Cali…
San Agustín
De Bogota la capitale à San Agustín, une douzaine d’heures en autocar, ou une heure d’avionnette puis seulement cinq heures de bus « local » depuis la ville de Neiva. Le parc archéologique de San Agustín est un ensemble de monuments religieux et de sculptures mégalithiques. 300 sculptures monumentales stylisées parsèment ce parc, témoignant de l’art d’une civilisation qui atteignit son apogée durant les huit premiers siècles de notre ère. Le parc est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1995 et constitue la plus grande nécropole au monde en termes de surface.
Plutôt une piste qu’une route entre Neiva et San Agustín. Sur la droite, les sommets andins. Sur la gauche, en contrebas, la vallée s’étale à perte de vue. L’Amazonie commence en bas. La route suit le cours du fleuve Magdalena. Nous remontons en direction de sa source. S’il existe plusieurs petits aéroports dans la région, à Florencia et à Pitalito, du fait du petit nombre de sièges des avionnettes, obtenir une place reste problématique.
Descente du bus à San Agustín, fatigué et pas très reluisant après le voyage. Content de trouver un « chico » bien intentionné, qui « aide » à trouver où se loger lorsque on débarque avec un sac à dos pour tout bagage. L’offre d’hébergement constitue pour les villageois un complément de revenus appréciable. D’ailleurs il semble qu’ici on n’a guère le choix. Qu’est-ce qu’on vient faire dans ce trou presque au bout du chemin ?
Cette région fut habituée il y a de nombreux siècles par des ethnies différentes, qui se sont succédées, laissant chacune des témoignages sous forme de pierres gravées, sculptées, représentant des formes humaines ou animales ou des êtres fantastiques. Les sites sont très éparpillés dans la forêt, à flanc de colline ou dans la montagne, quand ce n’est pas au pied d’une cascade. Les plus anciens vestiges datés auraient environ 26 siècles. Beaucoup gardent leurs mystères. Le premier jour on parcourt les environs immédiats à pied. Le second on est heureux d’accepter le cheval proposé par le « chico » qui vous suit pas à pas depuis votre arrivée. Le troisième et dernier jour, on se réunit à plusieurs et on loue une Jeep…
Tierradentro
C’est dans cette région éloignée de tout et de tous que j’ai le mieux compris le sens du mot « Ciénaga » souvent évoqué dans l’ouvrage « Cien años de soledad » (cent ans de solitude) du grand auteur colombien Gabriel García Márquez…
Nous avons quitté le département de Huila et, après une nuit blanche passée dans une « cantina », de peur de manquer le bus à la croisée de deux pistes, arrivée au petit matin à San Andrés de Pisimbala, dans le département de Cauca. Paysages farouches, verts et arides à la fois. Les montagnes sont creusées de crevasses, résultat de l’érosion par l’eau et le froid, et le chemin de terre serpente à flanc de montagne ou sur une arrête, à cheval sur deux versants. Quand il le peut, le conducteur roule à un train d’enfer, soulevant une poussière impressionnante : tant pis pour ceux qui marchent le long de la piste.
Ce sont les Conquistadores qui ont baptisé cette région la « terre à l’intérieur des terres », tant l’accès est difficile à cette cordillère centrale. A cette altitude poussent café, bananes, yucas comestibles, oranges. Que vient-on voir ? Des statues qui ressemblent à celles de San Agustín, style unique en Amérique du sud, mais surtout des hypogées, temples funéraires souterrains sans équivalent ailleurs. Les hypogées, par groupes de 10 à 60 temples sont situées presque toujours sur les sommets des montagnes : la découverte et la beauté se méritent. L’intérieur de certaines tombes est recouvert de fresques rouges ou noires, de figures géométriques ou anthropomorphes en relief. La fatigue accumulée depuis quelques jours s’estompe, on n’est pas déçu (on était venu pour cela).
Leticia
De Bogota comme de San Agustín il serait possible par voie aérienne de se rendre à Leticia, aux confins de l’Amazonie, à la frontière du Pérou et du Brésil. A condition d’être vacciné contre la fièvre jaune et d’être en possession d’un billet aller-retour, car autrement… Ce qui n’était pas le cas. Mon itinéraire me conduira donc vers la frontière équatorienne, à Popayán.
Popayán
La petite ville provinciale qu’est Popayán fait figure d’arrivée au paradis après les quelques longues heures que dure la descente de la cordillère depuis San Andrés. En plus le voyage s’était effectué sous une pluie torrentielle, rendant le trajet encore plus périlleux à mon sens. Petite ville animée. Après le calme et le silence des jours passés en montagne, le contact est brutal et les moustiques encore plus agaçants. Direction toujours vers le sud, vers Pasto. En bus ? Non merci, la route épouse trop les sommets des montagnes et les ravins abrupts. Quitte à avoir des frissons, autant que cela soit plus rapide : nouveau trajet en avionnette. Par chance, le vol de demain matin n’est pas « full » comme ils disent.
Frissons garantis dès le décollage du petit avion, qui peine à s’envoler et à prendre de l’altitude. Parviendra-t-il à franchir les sommets ? Il me semble que je pourrais les toucher de la main, tant il les frôle…
Equateur, on change d’hémisphère !
Quelques informations générales sur le pays petit par sa superficie (271.000 km2 sur le continent, 283.520 km2 avec les îles Galapagos), une population de 15 millions d’habitants, très colorée puisque les criollos (blancs) ne représentent que 10% de celle-ci. Majoritairement les Equatoriens ont une ascendance inca, mais pas uniquement.
Pasto, frontière équatorienne
La piste en terre battue qui s’appelle pompeusement « aéroport de Pasto » se situe à une quinzaine de kilomètres de la frontière entre Colombie et Équateur. Import-export entre les deux pays, les camionnettes qui servent principalement au transport de marchandises peuvent accessoirement accepter des passagers dans la benne et les déposer au village. C’est jour de marché à Pasto. Animation au village, que j’ai le loisir de visiter de long en large en attendant l’heure d’une communication téléphonique avec le Pays Basque (décalage horaire, lignes téléphoniques limitées). Téléphoner depuis le fin-fond de la Colombie, et cela fonctionne ! C’est à pied que l’on doit aller jusqu’au poste-frontière d’Ipiales, après avoir troqué ses pesos colombiens pour des sucres équatoriens (du nom du général Sucre, contemporain de Bolívar). Simples formalités, tout comme le passage de la frontière.
Tulcán, Équateur
Le soleil est haut dans le ciel. Une fois passé le poste de douane, rien. Un chemin, du sable, des cailloux, des collines dénudées. Le premier village se trouve à des kilomètres. Marchons. Tulcán, premier village en vue a une particularité : la seule chose à visiter est le cimetière. Ce ne sont pas les niches superposées qui méritent le détour, mais les cyprès. Certains arbres sont taillés en forme de tête humaine, d’autres des animaux. Extra ! Quittons tout de même cet endroit désolé au plus vite. Ce n’est pas cet Équateur que je souhaite découvrir. Direction le sud du pays. Particularité des moyens de transport, utilisé quelque temps auparavant, à l’intérieur d’une fourgonnette ou sur la benne d’une camionnette où s’entassent du mieux que possible passagers et marchandises, animaux vendus ou achetés dans quelque marché. Cela se retrouvera partout en Équateur. Les fréquences des départs vers Quito sont particulières : on part dès que plus aucun paquet de marchandises ou une personne ne peut trouver place à l’intérieur du véhicule. Merci pour mes grandes jambes. C’est ainsi que j’ai fait connaissance de la population, en direction d’Ibarra.
Ibarra
Pas grand-chose à raconter sur cette bourgade dont le nom sonne bien basque. Le musée local est fermé, je n’apprendrai rien sur l’histoire locale, son lien éventuel avec le Pays Basque, sauf de la bouche du curé, coiffé comme moi d’un béret. Les premiers colons européens venaient, croit-il, de Navarre.
Otavalo
Si je n’avais rien remarqué de spécial au village d’Ibarra, du fait du peu de gens rencontrés, j’ai été stupéfié par la population indienne locale à Otavalo. Ici ce tient le marché aux tissages le plus célèbre du pays. Mais question marchandage, rien à faire : les prix sont fixés par les coopératives et c’est à prendre ou à laisser !
Quito
Capitale du pays, Quito se trouve à 120 kilomètres au sud d’Otavalo. Je l’ignorais, c’est en Équateur que se fabriquent les véritables chapeaux mal nommés de Panama ! Coiffure portée par presque tout le monde, hommes et femmes. Pour ma part je resterai fidèle à mon béret. Altitude : 2850 mètres. La meilleure vue depuis une colline baptisée « el Panecillo » (le petit pain) qui surplombe la ville, entourée de volcans, présents du nord jusqu’au sud du pays (Chimborazo, Cotopaxi, Cayambe sur la ligne équatoriale, Guagua Pichinza à proximité de Quito). Outre les éruptions volcaniques, les tremblements de terre sont également fréquents. Au temps des Incas le Panecillo était la colline du Soleil. Aucun vestige ne subsiste de la période inca, tout a été détruit pour « effacer toute trace de paganisme » par les Conquistadores. Les monuments les plus anciens aujourd’hui visibles datent donc de la conquête espagnole. Il s’agit essentiellement d’églises dont la cathédrale métropolitaine, de la place de l’Indépendance et de grandes maisons coloniales. Quelques rues étroites du Quito colonial sont agréables à parcourir à pied, à l’écart de la circulation et des désagréments de la « modernité ». Le centre colonial est classé au patrimoine mondial par l’UNESCO depuis 1978.
La nourriture ne diffère guère de celle des autres pays andins, à base de céréales, de viande de poulet et de nombreux fruits tropicaux dont certains inconnus en Europe. Le musée de l’Or se trouve en sécurité (?) au siège de la Banque centrale. Dans la banlieue nord de la ville a été érigé lors d’une expédition d’astronomes français voulue par le roi Louis XV un monument pour marquer la limite des deux hémisphères. Au parc de la « Mitad del Mundo » a été tracée une ligne jaune pour symboliser les deux hémisphères. Un pied au nord, un pied au sud, la photo préférée des visiteurs. Il semblerait que la véritable ligne marquant l’équateur ait été en réalité décalée de quelques dizaines de mètres pour des raisons pratiques lors de la construction du parc… Autour du monument de nombreuses attractions et un musée ethnographique ont été aménagés afin de promouvoir la culture équatorienne, et garder un peu de temps les touristes…