" Notre périple durera plusieurs mois pour traverser le continent américain du nord au sud. Voyages fractionnés réalisés « en solo et sac à dos » à partir des années 1970."
Amérique du Sud
Si j’avais précédemment décrit le drapeau du Venezuela, il aurait été dépeint : jaune, bleu, rouge, en trois bandes horizontales, agrémenté de sept étoiles blanches sur le fond bleu. Les drapeaux colombien et équatorien lui ressemblent étrangement : les mêmes couleurs en trois bandes horizontales également. Avec comme première différence une plus grande surface de couleur jaune. La Colombie a supprimé les étoiles, l’Équateur a remplacé les étoiles par un médaillon surmonté d’un oiseau. Si les trois pays ont presque le même drapeau national, cela remonte aux temps des guerres d’indépendance où Simon Bolívar « el Libertador » (d’origine basque) avait fédéré ces terres sous le nom de Grande Colombie. S’il n’y réussit point, son nom et sa mémoire restent présents dans les cœurs des habitants des trois pays.
Dans les pays de langue officielle espagnole parcourus jusqu’à présent il existe presque toujours une « Plaza de armas », pratique lieu de rendez-vous lorsqu’on ne connait pas la ville ou le village. En Colombie et en Équateur, comme au Venezuela ce sera par contre « Plaza del Libertador » ou « Plaza Bolívar » où l’on se retrouvera.
Colombie, généralités
La Colombie n’est pas – pour beaucoup de raisons, drogue et insécurité en premier lieu – un pays très prisé des Européens. Et c’est tant pis pour ceux qui ne connaissent pas ce pays, bordé par la mer Caraïbe au nord (1600 kilomètres de côtes), l’océan Pacifique à l’ouest (1300 kilomètres de côtes) et la mer verte amazonienne à l’est. Des frontières terrestres avec Panama, Venezuela, Pérou, Équateur et Brésil. Un territoire immense de 1.138.000 km2, trois cordillères andines, d’immenses plaines, traversé par le Rio Magdalena, fleuve énorme qui le parcourt du nord au sud, des forêts gigantesques. Les paysages sont extrêmement variés, ce qui fait qu’en quelques heures il est possible de passer des neiges éternelles à la forêt amazonienne ou d’une plage du Pacifique à une autre des Caraïbes. Mais le pays a mauvaise presse, à juste titre. Personnellement, j’ai aimé la Colombie au cours de deux expériences.
Qu’évoque la Colombie ? Outre le nom du re-découvreur officiel de l’Amérique, ce sera le pays du meilleur café, des plus belles émeraudes, de la délinquance dans les grandes villes, d’une récente catastrophe naturelle, des guérilleros du M-19… Á chacun son voyage, ou ses idées préconçues. Comme nous sommes géographiquement proches de l‘ Équateur, on distinguera saison sèche (de décembre à avril) et saison des pluies (mai à novembre), plutôt que le concept d’été et d’hiver. Il est de toute façon facile de passer d’un extrême à un autre lors d’un voyage en Colombie. Ici comme dans toute l’Amérique Latine il convient de ne pas trop se fier aux cartes, et plus exactement ne pas confondre kilométrage et temps de route… En Colombie, comme en Équateur, la qualité des routes est très inégale. La durée d’un trajet dépend également de la météo, de la vétusté du véhicule, des arrêts pour prendre ou laisser des voyageurs, des contrôles « de routine » sur la route et du caractère du conducteur ! Pour mieux s’imprégner du pays, il faut le parcourir en autocar, mais on a tout de même parfois intérêt à préférer l’avion pour effectuer certains trajets. Outre la compagnie internationale Avianca, qui assure également des liaisons intérieures, il existe un grand nombre de petites compagnies privées desservant les lignes transversales. Elles utilisent des avions à hélices de petite capacité de type Bandeirante (10 – 12 passagers).
Deux voyages dans ce pays dont j’ai apprécié les paysages et les gens rencontrés. Lors du premier vers 1980, en solo avec mon sac à dos, je n’ai pas vraiment eu le sentiment de courir de dangers (en faisant attention bien entendu). Lors du second en 1995, avec le Chœur d’Hommes Oldarra, à l’occasion d’un festival international de musique, ce ne fut pas la même chanson (pour les sorties de notre hôtel ressemblant à un camp retranché, l’Ambassade de France nous indiquait où il était possible d’aller sans trop de risque et comment nous pouvions nous déplacer en sécurité dans la capitale).
Carthagènes
J’aurais pu commencer mon périple colombien par Barranquilla ou Santa Marta, situées comme Carthagènes sur la mer des Antilles, à quelques heures de bateau d’îles de rêve où se rendent les gens aisés de la capitale pour le week-end. Toutes trois ont été marquées par les flibustiers et les pirates, il y a bien longtemps. Bogota - Carthagènes en autocar, ce n’est pas une promenade de santé, et dès l’arrivée à bon port la quasi-certitude d’être passé à travers les mailles d’un filet jeté sur le touriste que je suis. Sur les sièges devant moi, deux Colombiens. Sur ceux du rang de derrière, deux Colombiens. Ils fument quelque chose d’odorant, se passant la cigarette au-dessus de moi. Pas très courtois mais banal. Sauf qu’au bout d’un moment de ce manège je commence à m’assoupir et mon sac à dos semble tellement léger qu’il commence à s’envoler. J’ai sans doute été quelque peu drogué mais mon sac est bien arrimé sur mes genoux et dans un sursaut je crie. Le conducteur arrête l’autocar. Cela ne doit pas être la première fois. Les passagers de devant et derrière mon siège descendent précipitamment et disparaissent dans la nature.
Carthagènes est une fort belle ville coloniale, où les ombres de Drake et Morgan rôdent encore le long des remparts qui ceinturent le port. Cartagena de las Indias, son nom complet, évoque ses châteaux, ses forteresses et même un puit de châtiments utilisé autrefois et infesté de requins à cette douce époque. Là étaient jetés les condamnés, explique-t-on aux visiteurs. De nos jours les eaux chaudes et claires des plages n’effraient plus ceux qui s’y baignent, jeunes et vieux, riches ou pauvres, blancs de peau ou de couleur. Ce qui ne veut pas dire que la baignade soit sans danger. Cette région, proche de la Goijira et de la frontière vénézolane sert de passage aux contrebandiers et trafiquants de tous poils. La drogue notamment.
J’allais oublier un monument des temps modernes : faisant face à la statue d’un chef indien, une sculpture représente une vieille paire de chaussures qui baillent ! Si, si, c’est bien vrai !
Bogota
À moins d’une heure d’avion de la côte (lorsqu’on arrive à acheter un billet, le surbooking est généralisé afin de garantir le remplissage des avions) se trouve la capitale et un aéroport au nom qui fait rêver : Bogota-Eldorado. Il y a un siècle c’était encore (je n’ai pas connu !) une ville coloniale tranquille aux rues pavées et éclairées par des réverbères allumés et éteints manuellement chaque jour. De nos jours elle est (comme beaucoup de ses sœurs) surpeuplée et pas d’une propreté exemplaire. Elle centralise la plupart des industries polluantes, est entourée des bidonvilles qui lui ont donnés à juste titre cette réputation de ville dangereuse (à l’instar de Guayaquil en Équateur).
Lors de ce premier voyage en solo, un policier m’a un jour demandé l’heure. Après que j’aie consulté ma montre, il me conseilla de la garder de préférence dans une poche fermée de mon pantalon. Histoire ou fait divers, on raconte qu’une visiteuse étrangère se fit un jour sectionner d’un coup de machette une main, celle qui arborait de magnifiques bijoux…
Il n’y a pas (dixit l’attaché de l’ambassade de France prodiguant des conseils lors de mon deuxième voyage trois décennies plus tard avec le Chœur d’Hommes Oldarra de Biarritz) de police en civil en Colombie. Expérience vécue, un faux (donc) sergent en civil m’aborde courtoisement, se présente comme tel et me demande si j’ai bien sur moi mon passeport et combien d’argent, assurant qu’en cas de mauvaise déclaration il pourrait me demander de le suivre pour vérification. Arrive alors un complice (?). Ils m’intiment de les accompagner. Réponses de ma part, dans mon meilleur espagnol : « Primero, solo llevo conmigo copia del pasaporte, el original está seguro en el hotel. Segundo, llevo unicamente un billete falso de 100 dólares para entregar si necesario a algun ladrón. Tercero, todos los que son verdaderos policias llevan uniforme y no van de paisano. Y cuarto, si no se aparte de imediato, voy a llamar ». Radical ! Un autre chanteur moins chanceux s’était fait subtiliser 20 dollars lors de notre séjour par ce stratagème …
Des bijoux, il y en a à vendre à profusion dans les magnifiques magasins du centre, à deux pas des quartiers populaires. Réputées sont les émeraudes. Beaucoup de vraies. Des fausses aussi (mon bijoutier biarrot s’est fait avoir…). Des bijoux que l’on admirera au musée de l’Or, situé dans les étages supérieurs de la Banque Centrale. Des tonnes et des tonnes de bijoux en or, témoins des civilisations indiennes disparues. Certains évoquent la légende de l’El Dorado – le doré – ce chef qui plongeait dans un lac sacré non loin de Bogota, après s’être enduit de poudre d’or…
Aujourd’hui comme autrefois les visiteurs se rendent au sanctuaire de Montserrat, perché sur un piton rocheux qui surplombe la ville, plus bas dans la brume. Mais est-ce brouillard ou pollution ? La visibilité est meilleure le dimanche. Dans le passé la montée s’effectuait à pied depuis la vieille ville, après avoir laissé la Quinta de Bolívar (maison du Libertador) sur la droite. Maintenant (à mon deuxième voyage) on y accède en téléphérique (de fabrication suisse). A noter que le Libertador s’est beaucoup déplacé dans le pays : c’est fou le nombre de vieilles maisons-musées répertoriées comme ayant servi de lieu de repos à Simon Bolívar…
Bogota est réputée pour ses belles églises coloniales situées dans les vieux quartiers, près du musée de l’Or. Il est toutefois un sanctuaire « moderne » à ne pas manquer, située à 52 kilomètres de la capitale, la « cathédrale de sel » de Zipaquira.
Rendez-vous la semaine prochaine !