" Notre périple durera plusieurs mois pour traverser le continent américain du nord au sud. Voyages fractionnés réalisés « en solo et sac à dos » à partir des années 1970."
Entre sud de l’Amérique Centrale et nord de l’Amérique du Sud
Comme vu la semaine passée, le Guatemala est un petit pays par la taille mais dans bien des domaines il est aussi intéressant que son grand voisin mexicain. Les paysages n’ont rien à lui envier, les habitants ne sont pas encore saturés par le tourisme de masse.
L’Amérique centrale est une mosaïque de petits pays. Malheureusement des guérillas anti-gouvernementales imprévisibles font qu’il vaut mieux en éviter certains. Cette semaine, brève escale au Panama par la voie des airs après une courte escapade au Honduras avant une découverte du Venezuela.
Copán (Honduras)
La route reste asphaltée pendant pas mal de kilomètres lorsqu’on quitte la capitale du Guatemala. Mais dès que l’on arrive à flanc de montagnes, il s’agit à nouveau et définitivement de pistes. Les paysages sont verdoyants, la piste est sèche. Nous voici arrivés au poste frontière. Surprise ! Nous apprenons qu’il est interdit de quitter le Guatemala avec notre véhicule car nous n’avons pas le « permis d’exportation » nécessaire. Nous avions pourtant bien précisé au loueur le but de notre location. Palabres. Le douanier guatémaltèque veut bien aller demander à ses homologues honduriens, qui observent la scène de l’autre côté du pont. Mais tout ce paie… Me voici en train de corrompre des fonctionnaires ! Il revient en souriant : tout est arrangé contre quelques dollars américains en billets neufs, à partager de chaque côté de la frontière. Nous pénétrons (illégalement donc) au Honduras. Repalabres. Il faut payer de nouveau une « taxe-car ». Muni d’un vieux « fly-tox » le douanier, qui a dignement revêtu une blouse qui fut blanche, se met en devoir de désinfecter notre véhicule (authentique !) à cause des mouches qui sévissent au Guatemala. Cette opération de prophylaxie a, évidemment, un coût.
Les onze kilomètres qui nous séparent de Copán, notre destination, me paraissent très longs. C’est à mon tour de conduire, étant le seul à avoir pensé à prendre son permis de conduire. Enfin, les ruines en vue. Semble-t-il peu imposantes ou spectaculaires, à l’exception d’un jeu de pelote très bien conservé. Visibles surtout des petits monticules plantés d’arbres. Un temple attend certainement à l’intérieur qu’on le découvre un jour. Des trésors sont sans doute encore là-dessous, recouverts de végétation protectrice. La renommée de Copán vient des stèles sculptées, les plus belles de l’art maya qui autrefois ignorait les futures frontières actuelles. Nous ne regrettons pas les kilomètres, la poussière et la désinfection de la voiture.
Retour au même poste frontière, en sens inverse. Appréhension : et s’il nous était interdit de rentrer au Guatemala avec un véhicule qui n’est pas en règle ?
Tout va bien avec les douaniers honduriens, mais - surprise – le douanier guatémaltèque – celui qui avait joué au bon apôtre il y a quelques heures – me questionne d’un air soupçonneux. D’où venez-vous ? Ce véhicule est en infraction ! De plus nous n’avons plus d’autorisation d’entrée valide dans le pays, lui-même ayant apposé il y a quelques heures à peine le tampon de sortie sur nos passeports qui atteste que nous avons quitté le Guatemala. Enfin, tout peut s’arranger, il nous « donne » un visa de transit, valable une semaine, contre quelques billets verts. Nouveau gag, à son tour il va chercher une pompe pour désinfecter le véhicule car les mouches sont dangereuses au Honduras !
Chemin faisant, soulagés, nous rions de cette aventure. De leur côté, à chaque extrémité du pont faisant office de frontière entre Guatemala et Honduras, les douaniers rient aussi sans doute du bon tour qu’ils ont joué aux Gringos. Ce soir ils boiront, sinon à notre santé, du moins à nos frais.
Esquipulas (Guatemala)
Ville importante située au carrefour entre trois pays, Guatemala, Honduras et Salvador, considérée comme la capitale centroaméricaine de la foi. Sa basilique abrite le sanctuaire du Christ Noir, belle sculpture de cinq pieds de haut de style colonial, un important but de pèlerinage.
Panama
Court arrêt, quelques heures, avant de continuer vers le Venezuela. L’aéroport ressemble aux autres aéroports d’Amérique Latine ou d’ailleurs : bruit, néons, ventilateurs. Dehors il fait chaud. Les « refrescos » (boissons en principe rafraichissantes) sont les mêmes que partout dans le monde : limonades et autres colas. Principal intérêt, touristique et économique, le canal gagne à être vu d’avion car depuis le sol il ressemble à un fleuve assez large, sans plus. Mais je n’aurai pas le temps de découvrir autre chose. L’heure du départ approche.
L’approche, la découverte d’un pays sont différentes d’une personne à une autre. Il est des pays à vocation touristique importante, très visités. C’était le cas du Mexique et dans une moindre mesure du Guatemala. Moins de touristes au Venezuela, 2816 kilomètres de plages sur la mer Caraïbe, objet d’une relative mauvaise opinion. Un premier voyage sur invitation de la communauté basque établie au Venezuela avec les Ballets et Chœurs Basques Etorki, un deuxième quatre décennies plus tard avec le Chœur d’Hommes du Pays Basque Oldarra. Découverte de ce pays grand comme presque deux fois l’hexagone (912.000 km2).
Venezuela - Caracas
Caracas, raccourci de Santiago de Léon de Caracas, capitale fédérale est une ville immense, située dans une vallée et à flanc de collines, derrière une montagne qui cache la vue sur la mer Caraïbe. Certaines des principales artères mesurent plus de 25 kilomètres. Ville moderne, grouillante, dont il ne reste que peu de bâtiments de l’époque coloniale en dehors du Panthéon National qui abrite la dépouille de Simon Bolívar « el Libertador ». Pas le but d’un voyage mais curiosité locale, la Colonia Tovar, village bavarois construit sous les tropiques. Un téléphérique permet d’accéder au parc au sommet du pic Ávila, en surplomb de la ville que l’on aperçoit au sud. A une dizaine de kilomètres vers le nord, l’aéroport de Maiquetia et la mer. Quelque part en ville se trouve le Centro Vasco avec son fronton et même son ikastola.
Caracas reste une ville intéressante à connaître, riche de monuments et édifices publics : Capitole national, maison natale de Simon Bolívar, place Bolívar, Panthéon national, palais de Miraflores, la cathédrale, de nombreux parcs et jardins, des théâtres, des musées et galeries d’art.
Était-il bien raisonnable de se rendre au Venezuela où pauvreté, corruption, crises économique et politique, inflation galopante, sont hélas le quotidien de la population depuis très longtemps. Un titre dont la ville se passerait, celui de l’une des moins sûres d’Amérique Latine, la sixième plus dangereuse dans le monde (en 2019 les cinq villes les plus dangereuses étaient toutes mexicaines). Un qualificatif qui revient souvent dans les conversations, quel que soit le sujet : « es un desastre ».
Côte Caraïbe
Sur des centaines de kilomètres à l’est de Caracas, forêts et plages aux nom prometteurs : La Guaira, Macuto, Playa Colorada, Barcelona, Puerto la Cruz. Un petit paradis à quelques heures en 4x4 de Caracas, inconnu des touristes et même des Vénézolans : La Chuspa, petit village peuplé de pêcheurs Noirs, descendants d’esclaves où nos amis de la colonie basque possédaient (du moins en 1977) des maisonnettes de toutes les couleurs. Plages immenses et désertes, cocotiers pour faire de l’ombre, tout pour le farniente après une semaine de spectacles donnés dans la très belle salle José-Felix Ribas de Caracas. Une annexe du paradis terrestre !
A Barcelona et à Puerto la Cruz davantage d’agitation : ce sont des villes plus besogneuses, au charme colonial certain, sous un soleil toujours généreux. J’avais oublié d’évoquer la température : une moyenne annuelle de 20° à Caracas, de 27° dans les plaines et sur la côte.
A l’ouest de Caracas, entre Maracay et Cata, la route traverse des forêts luxuriantes et un parc national, à proximité du lieu de la bataille de Carabobo, durant la Guerre d’Indépendance. Soudain un pont de plusieurs kilomètres enjambe une partie du lac de Maracaibo. Le pont d’Urdaneta annonce la grande ville de Maracaibo.
Maracaibo et La Guajira
Maracaibo, ville des records de chaleur : 45° lors du séjour de la troupe Etorki au mois d’avril 1977. Il fait chaud et soif. Heureusement pour les gourmets (voire gourmands) partout à la vente des sorbets aux fruits tropicaux de toutes couleurs, garantis naturels et sans colorants ! Maracaibo, point de départ tout indiqué pour une incursion en pays Guajiro, région où terre et mer n’ont pas bien délimité leurs frontières respectives et mouvantes : lagunes, cités lacustres, fiers Indiens Guajiros. Plages immenses et désertes, ce qui n’était pas rare en 1977.
Un endroit que visitent rarement les étrangers : la prison de l’état. Un accueil extraordinaire des personnes incarcérées pour les Basques venus leur offrir un petit spectacle. Une scène improvisée à même la terre battue au centre de la cour de la prison. Les détenus assistent à la représentation depuis leurs cellules. Un spectacle émouvant pour tous. Les artistes sans costumes de scène ni accessoire aucun, le « public » en short et chemisette agrippé aux barreaux des larges fenêtres non vitrées de leurs cellules. Les gardiens ont posé leurs armes au sol pour applaudir également. Comme dans une plaza de toros, tour de piste sous les acclamations (ce n’est pas tous les jours qu’ils ont droit à une petite fête).
Les eaux du lac de Maracaibo recèlent un trésor souterrain : l’or noir. A proximité du village de Tia Juana, les derricks surplombent la lagune. Répétition sous le soleil l’après-midi, spectacle à la nuit tombée. Le thermomètre accuse encore près de 40°. Nous attendons toute la nuit, dans l’eau d’une piscine surchauffée naturellement, l’arrivée improbable de notre autocar pour continuer périple et tournée à Mérida, dans les Andes. Nous apprendrons plus tard qu’il a versé dans un ravin…
Mérida
Je me relis rarement, vu mon écriture… Ai-je écrit que nous sommes en Amérique du Sud ? Le nord de la Cordillère des Andes débute au Venezuela, au sud de Maracaibo. Et les premiers lacets des routes sont déjà un aperçu de ce qui attend le voyageur en Colombie et au Pérou. L’aspect des camions et autobus aussi d’ailleurs. Lorsque notre autocar franchit péniblement les derniers mètres du col d’Aguila, un panneau affiche 4000 mètres d’altitude. Sous sommes au sommet de la plus haute route carrossable du Venezuela. Ponchos achetés sur place de rigueur ! Le Pic Bolívar (5007 mètres) est tout proche. Un téléphérique construit par une entreprise française (pour le transport du bois) monte jusqu’au Pic Espejo (4500 mètres). De là-haut la vue serait impressionnante sur la forêt primitive mais il est hélas en cours de réparation. De toute façon il n’assure pas de transport de voyageurs. Sauf que votre serviteur, avec sa carte de Presse, et signant une décharge, pourra exceptionnellement l’emprunter avec les techniciens. Pas de chance, le sommet est prisonnier des nuages.
Dans certains pays il est interdit aux dames de se promener en pantalons. Au Venezuela il est déconseillé aux messieurs de sortir dans la rue en short. Résultat, conduite au commissariat pour un rappel à la Loi (que bien entendu nous ignorions). Port du short autorisé tout de même pour les pratiques sportives, sur les terrains adéquats. Comme dans d’autres pays du continent, le sport le plus populaire au Venezuela est le base-ball, suivi du football. La pelote basque se pratique également partout où existe un Centro Vasco, comme à Caracas, Maracay, Valencia ou Barcelona. C’est la paire des biarrots Larzabal et Barace qui gagne un soir le tournoi quotidien de paleta gomme à Barcelona ! Victoire arrosée au rhum et jus d’oranges pressées…
Outre la côte Caraïbe, les plaines et les Andes, une quatrième grande région est constituée par le bassin de l’Orénoque : l’Amazonie vénézolane. Région la moins peuplée, mais prometteuse pour l’avenir du pays, où pour les amoureux de grands espaces vierges se trouve El Salto del Angel, une des plus belles et impressionnantes cascades du monde, uniquement accessible par la voie des airs (qu’hélas je n’ai pu admirer qu’en photographie).