Frère prêcheur italien et peintre (✝ 1455)
« … des ailes à ses pinceaux et faire de sa palette, une auréole. »
« Peintre à succès ou dominicain ascète, Fra Giovanni de Fiesole n’a pas eu à choisir, liant intimement son art à sa vie religieuse.
Sa peinture est mondialement connue. Ses œuvres attirent les touristes, par grappes, à Florence. Elles s’admirent au Vatican et dans des musées aussi prestigieux que le Louvre, le Prado ou l’Ermitage, entre autres. Pas un livre d’histoire de la peinture qui ne saurait l’oublier.
Fra Angelico est un artiste innovant aussi incontournable que Galilée en astronomie. Mais la douceur toute mystique de ses fresques rappelle que le peintre est d’abord un religieux. Un dominicain, en quête d’ascèse.
Un Toscan dont on possède peu d’éléments avec certitude. « On sait qu’il a été peintre toute sa vie et qu’il est rentré jeune en apprentissage », avance avec prudence Aude Morvan, spécialiste de l’artiste à l’École française de Rome. Même l’année de sa naissance, 1387, n’est pas attestée. Le lieu, en revanche, ne fait pas débat : près de Vicchio, ville au nord de Florence. Nom de baptême : Guido. Profession des parents : inconnue. Sans doute des paysans. Mais qui ont les moyens d’envoyer leurs fils à l’école.
Comme un exode rural avant l’heure, au début du XVe siècle, la famille déménage à Florence, une ville alors en pleine expansion. Dans leur nouveau quartier est établi le futur maître en peinture de Guido, Lorenzo Monaco, un artiste siennois encore adepte du style gothique. Ce moine dirige une école d’enluminure et de peinture sur bois, où le jeune Guido serait rentré comme apprenti. Point de doute pour Aude Morvan, on reconnaît dans « son style raffiné, précieux et par l’emploi des ors », l’influence de Lorenzo Monaco.
Poser le pinceau
Mais une autre influence s’exerce alors sur l’apprenti. Celle du monastère où vit son maître. Celle de la vie religieuse. Celle d’un courant dominicain qui a pour mot d’ordre un retour à la stricte observance de la règle et pour programme le jeûne, le silence et le dépouillement. Sur les hauteurs de Florence, à Fiesole, Guido rejoint un jeune monastère dans cette mouvance.
Quitte à devoir poser le pinceau. Prendre l’habit religieux, comme il le fait en 1407, « implique qu’à partir de cette date, et pendant près de cinq ans, il ait, pour se conformer aux strictes règles des dominicains, mis son art de côté », écrit Lauren Dandrieu, auteur d’une biographie deFra Angelico (1). À la fin sa vie, il devra aussi suspendre la peinture, deux années, pour diriger le monastère de Fiesole.
Car dorénavant, Guido di Pietro est « Fra Giovanni », Frère Jean, son nom religieux choisi peut-être en hommage à son maître, non pas artistique mais spirituel, Giovanni Dominici. « C’est un dominicain très dévot », reconnaît Stéphane Gioanni, directeur des études médiévales à l’École française de Rome. Une vocation d’autant plus touchante que, comme l’écrit Giorgio Vasari dans ses Vies des meilleurs peintres (2) – seule source historique pour connaître Fra Angelico – celui-ci « aurait pu fort confortablement demeurer dans le monde et ajouter à sa fortune tout ce qu’il aurait voulu par la pratique de ces arts qu’il posséda à fond dès son jeune âge ».
La religion dans la peinture
Mais artiste et moine ne font qu’un chez Fra Angelico. Vite renommé de son vivant, au-delà de Florence, l’humble peintre ne garde rien pour lui. Retables, fresques, croix, enluminures… alors que les commandes pleuvent, il en reverse les gains à son ordre dominicain, dont il décore lui-même les couvents en Toscane – et dont il gère parfois également les comptes comme économe, au profit des pauvres.
Une manière de conjuguer jusqu’au bout son génie artistique avec sa vocation religieuse, laquelle émane toujours de son œuvre. « La spiritualité de sa peinture reste accessible aujourd’hui », admire Aude Morvan. La précision du trait n’empêche jamais l’élévation mystique, comme pour la décoration des cellules du couvent Saint-Marc à Florence avec sa fameuse Annonciation – l’un des sujets de prédilection de Fra Giovanni.
Il « n’aurait jamais touché ses pinceaux sans avoir auparavant récité une prière », prétend Vasari, selon qui l’artiste « était si proche du Christ et des saints qu’il pouvait les peindre tels qu’il les percevait en vivant avec eux ». Comme l’observe aujourd’hui le cardinal Paul Poupard, qui fut « ministre de la culture » de Jean-Paul II : « Il donne à toucher du doigt le mystère de Dieu. »
Est-ce cette proximité avec le divin, sa douceur de caractère, sa piété radicale qui lui ont valu, dès après sa mort survenue le 18 février 1455, le surnom d’angélique ?
« Bea Angelico » est-il inscrit devant sa tombe en marbre blanc au fond de l’église romaine des Dominicains, Santa Maria in Minerva. De quoi donner des ailes à ses pinceaux et faire de sa palette, une auréole.
La cause du « patron des artistes »
Après sa mort, Fra Bartolomeo, Raphaël ou Michel-Ange n’ont pas hésité à associer Fra Angelico à un saint.
En 1955, au 500e anniversaire de sa mort, Pie XII ouvre la cause en béatification du peintre.
3 octobre 1982, Jean-Paul II décrète son rang de bienheureux.
18 février 1984, le pape le proclame patron des artistes."
Article de Sébastien Maillard, correspondant permanent à Rome du journal LA CROIX :
http://www.la-croix.com/Religion/Fra-Angelico-artiste-moine-2016-08-09-1200781007
… « Comparé à d'autres peintres contemporains, Fra Angelico peut sembler n'avoir jamais atteint l'excellence d'un point de vue technique. Ses personnages manquent quelquefois de souplesse mais il a su leur donner une âme, dans un sentiment en accord avec sa propre foi et son mode de vie.
Sa peinture paisible invite le spectateur à la méditation et à la prière. »
http://www.histoiredelart.net/artistes/fra-angelico-180.html